L'Aluette, vous connaissez ?
Je ne résiste pas à la tentation de vous faire découvrir ce jeu de carte au travers de l'article que j'ai écrit pour Wikipédia. Bonne lecture.

Aluette

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Un 2 de coupe ("la Vache") du début du XIXème siècle
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Un 2 de coupe ("la Vache") du début du XIXème siècle

L'aluette est un jeu de cartes pratiqué dans les zones rurales et côtières entre la Gironde et l'estuaire de la Loire, c'est-à-dire dans la partie occidentale de la zone d'influence du patois Poitevin-saintongeais. Il est souvent présenté comme un jeu folklorique et spécifique au département de la Vendée.

C'est un jeu de cartes par levées, pratiqué avec quarante-huit cartes aux enseignes espagnoles.

On dit « jouer à l'aluette » (forme écrite), ou plus souvent encore « jouer à la vache » (forme orale), d'après le nom de l'une des cartes du jeu.

Sommaire

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Origines et évolution [modifier]

Etymologie [modifier]

La forme la plus ancienne du mot « aluette » est « luette », dont l'origine reste incertaine. Le « jeu des luettes » est mentionné deux fois par Rabelais dans son œuvre : une première fois dans Pantagruel [1] (1532) puis dans Gargantua [2] (1534). L'évolution par fausse-coupe de « la luette » aurait ensuite donné « l'aluette » et les explications de type « alouette » ou « sans luette » (l'utilisation des signes rendrait le jeu muet, ce qui est faux) ne tiennent pas.

Cartes [modifier]

Les cartes utilisées sont les quarante-huit cartes aux enseignes espagnoles, héritées des mauresques par les espagnols au quatorzième siècle. Les enseignes espagnoles sont les deniers, les coupes, les bâtons et les épées. Ces cartes sont attestées en France au seizième siècle, époque à laquelle les maître-cartiers français exportent alors vers l'Espagne.

Le dessin des cartes a suivi une longue évolution, pour être fixé au XIXème siècle. Les plus fortes cartes du jeu (les luettes, les doubles et les as) ainsi que quelques faibles cartes présentent des portraits et des symboles caractéristiques, ce qui fait que le jeu de carte est spécifique à la règle de l'aluette et est donc vendu sous ce nom. Toutefois, rien n'interdit de jouer avec un jeu espagnol si les cartes sont suffisamment bien connues des joueurs.

Règles [modifier]

L'origine des règles du jeu d'aluette reste inconnue. Deux hypothèses s'opposent :

  • le jeu vient d'Espagne et a été introduit en France par des marins espagnols dans les ports français de l'ouest (mais curieusement le Sud-Ouest de la france n'aurait pas été touché et le jeu aurait disparu d'Espagne sans laisser de trace)
  • le jeu est né dans l'ouest de la France ; il aurait pris pour support les seules cartes existantes au XVIème siècle et il aurait résisté à la conversion généralisée aux cartes françaises qui a eu lieu au XVIIIème siècle.

Les règles du jeu d'Aluette ont évolué au cours des siècles. L'une des caractéristiques originales du jeu est l'utilisation de mimiques. D'autres jeux de cartes autorisent celles-ci :

  • le trut ou le truc, jeu du XVIIème siécle signalé dans l'ouest de la France (par exemple dans les Deux-Sèvres), se joue avec un jeu français de trente-deux cartes
  • le mus, jeu basque du XVIIIème siècle, se joue avec un jeu espagnol de quarante cartes
  • la brisca, jeu espagnol, se joue avec un jeu espagnol de quarante cartes
  • la drogue, jeu du XIXème siècle, se joue avec un jeu français de trente-deux cartes.

Même si les trois premiers appartiennent à des aires géographiques compatibles avec l'histoire supposée de l'aluette, aucune parenté n'a été établie entre ces jeux et l'origine des règles de l'aluette reste indéterminée.

Règles du jeu [modifier]

But du jeu [modifier]

  • Le jeu se joue à quatre, par équipes de deux. L'équipe gagnante est celle qui marque la première cinq points.
  • Chaque manche consiste en neuf levées. Les plis sont décomptés par individu et non pas par équipe. A la fin de la manche, le joueur qui a engrangé le plus de plis apporte un point à son équipe. Si deux joueurs ont le même nombre de plis, c'est le premier joueur à avoir atteint ce nombre de plis qui gagne la manche.

Les cartes [modifier]

un 3 de coupe (Madame) du début du XIXème siècle
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un 3 de coupe (Madame) du début du XIXème siècle
un 2 de denier (le Borgne) du début du XIXème siècle
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un 2 de denier (le Borgne) du début du XIXème siècle
un as d'épée du début du XIXème siècle
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un as d'épée du début du XIXème siècle
un 5 de denier (Bise-dur) du début du XIXème siècle
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un 5 de denier (Bise-dur) du début du XIXème siècle

Les quatre couleurs (deniers, coupe, épée, bâton) sont de même force et il n'y a pas d'atout.

Les quarante-huit cartes, de la plus forte à la moins forte, se classent en quatre catégories :

Les « luettes » :

  • Monsieur (3 de denier)
  • Madame (3 de coupe)
  • Le borgne (2 de denier)
  • La vache (2 de coupe)

Les « doubles » :

  • Grand Neuf (9 de coupe)
  • Petit Neuf (9 de denier)
  • Deux de chêne (2 de bâton)
  • Deux d'écrit (2 d'épée)

16 figures : as, rois, dames (cavalières), valets

24 « bigailles » : du 9 au 3 (sauf le 3 de denier, le 3 de coupe, le 9 de coupe et le 9 de denier)

A noter que le 5 de denier est appelé bise-dur, sans que la carte ait une valeur particulère. Il représente un couple s'embrassant ou s'enlaçant, selon les époques.

Les signes [modifier]

A chacune de ces cartes est associé une mimique (il existe des variantes régionales) destinée à faire connaitre son jeu à son partenaire :

  • Monsieur : lever les yeux au ciel
  • Madame : lever le coin des lèvres d'un côté (ou pencher la tête)
  • Le Borgne : faire un clin d'œil
  • La Vache : faire la moue
  • Grand Neuf : montrer le pouce
  • Petit Neuf : montrer le petit doigt
  • Deux de chêne : montrer l'index (ou lever l'index et la majeur)
  • Deux d'écrit : tourner le pouce et index vers la table comme pour écrire
  • As : ouvrir la bouche (ou tirer la langue)

Les signes les plus utilisés sont souvent l'As (ouvrir a bouche), la Vache (moue), le Borgne (clin d'œil) et Monsieur (sourcil levés). Les autres sont dit avec « au-dessus », ou « au-dessous ». Exemple : as, roi, Deux de chêne : (coup de langue), et annoncer « en dessous et pas au-dessus mais au-dessus ».

Un jeu faible ou très faible se signale par le signe « misère », qui consiste à lever plus ou moins l'épaule. Si le partenaire n'est pas mieux loti, l'équipe peut décider de donner le point sans jouer.

Déroulement de la partie [modifier]

  • Les cartes sont distribuées par trois, soit neuf cartes chacun et douze au « talon ».
  • Si la variante dite du « chant » est pratiquée et que les quatre joueurs sont d'accord, les douze cartes du talon sont partagées entre les deux joueurs à la gauche du donneur. Ceux-ci rendent alors six cartes de leur choix au talon.
  • Les joueurs peuvent annoncer leur jeu à leur partenaire en faisant discrètement les mimiques convenues, et en essayant de voir celles des adversaires. Il y a alors souvent un meneur (celui qui a le plus de jeu ou celui qui sait le mieux jouer) et un mené dans une même équipe.
  • On joue dans le sens des aiguilles d'une montre. Le joueur à la gauche du donneur commence et les joueurs réalisent alors neuf levées. Il n'y a pas d'obligation de fournir à la couleur, ni de surenchérir. Celui qui remporte le pli rejoue. On parle beaucoup durant la partie, parfois pour dire à son partenaire quelle carte jouer.
  • Jeu du « pourri » ou jeu d'« autant » : lorsque les deux plus grosses cartes d'un pli ont la même valeur (par exemple, deux as ou deux rois), le pli n'est pour personne (il est « pourri »). On le place sur le talon et le même joueur commence. Pour le quatrième joueur de la levée, l'intérêt de cette technique est d'une part de ne pas se démunir de bonne carte pour faire un pli composés de basses cartes, tout en ne laissant pas le pli à l'adversaire, et d'autre part de « voir venir », c'est à dire de forcer l'adversaire à rejouer et donc à découvrir son jeu. Cette technique de jeu révèle souvent la volonté d'un joueur de faire « mordienne ».

Mordienne [modifier]

  • Faire « mordienne », c'est gagner en remportant consécutivement les dernières levées sans avoir ramassé de plis auparavant et sans qu'un des derniers plis ait été pourri. Par exemple, si les trois autres joueurs ont fait chacun deux plis, le joueur qui remporte les trois derniers plis fait « mordienne ».
  • L'intention de faire mordienne s'annonce à son partenaire et se mordant la lèvre.
  • Une mordienne rapporte deux points. Si elle a été annoncée à haute voix en début de manche, elle peut-être acceptée ou déclinée par l'équipe adverse : si elle est acceptée, la partie se joue en dix points et le gagnant marque deux points; si elle est déclinée, la manche n'est pas jouée et l'annonceur marque un point.

Intérêt du jeu [modifier]

L'aluette est aujourd'hui un jeu délaissé et on ne peut manquer de noter que sa disparition pourrait suivre de peu celle du patois Poitevin-saintongeais. Ce jeu a pourtant des qualités spécifiques qui pourrait lui valoir un regain d'intérêt :

  • l'exotisme du jeu de carte, puisque c'est le seul jeu qui se joue en France avec des cartes aux enseignes espagnoles et que nombre de figures sont spécifiques à l'aluette
  • l'originalité de la déclaration du jeu par mimiques
  • la convivialité des parties, conséquence des mimiques et de la totale liberté de parole pendant les parties.

Constatant le renouveau des jeux de société depuis la fin des années 90, on peut estimer que l'aluette pourrait trouver sa place auprès du public entre le tarot et Jungle Speed, par exemple.

Sources [modifier]

Etymologie :

  • Pierre Rézeau, Dictionnaire du français régional de Poitou-Charentes et de Vendée, Editions Bonneton, Paris, 1990

Règles :

  • Claude Aveline, Le code des jeux, Hachette, Paris, 1961
  • J.M. Simon, Règle du jeu de cartes d'aluette, Grimaud, Paris, 1969

Origines et évolution:

  • Alain Borvo, Anatomie d'un jeu de cartes - l'aluette ou le jeu de la vache, Librairie nantaise Yves Vachon, Nantes, 1977
  • Alain Borvo, Découvrez l'aluette dans Jeux et Stratégie, n° 4 Août 1980
  • Jean-Marie Lhôte, Dictionnaire des jeux de société, Flammarion, Paris, 1996

Voir aussi [modifier]

Liens externes [modifier]

Notes [modifier]

  1. Pantagruel, chapitre 5 : Ainsi s'en retourna non pas à Poictiers, mais il voulut visiter les aultres universitez de France, dont passant à la Rochelle se mist sur mer & s'en vint à Bourdeaulx, mais il n'y trouva pas grant exercice, sinon des gaubarriers à iouer aux luettes sur la grave (Pantagruel ne trouva pas grand exercice à Bordeaux sinon des gabarriers jouant aux luettes sur la grève)
  2. Gargantua, chapitre 20 : Puis le verd estendu l'on desployait force chartes, force dez, & renfort de tabliers. Là iouyoit au fleux, au cent, à la prime, à la vole, à le pille, à la triumphe: à la picardre, à l'espinay, à trente & un, à la condemnade, à la carte virade, au moucontent, au cocu, à qui a si parle, à pille: nade: iocque: fore, à mariage, au gay, à l'opinion, à qui faict l'un faict l'autre, à la sequence, aux luettes, au tarau, à qui gaigne perd, au belin, à la ronfle, au glic, aux honneurs, à l'amourre, aux eschetz, au renard, aux marrelles, aux vasches, à la blanche, à la chance, à troys dez, aux talles, à la nicnocque. A lourche, à la renette, au barignin, au trictrac, à toutes tables, aux tables rabatues, au reniguebleu, au force, aux dames: à la babou, à primus secundus, au pied du cousteau, aux clefz, au franc du carreau, à par ou sou, à croix ou pille, aux pigres, à la bille, à la vergette, au palet, au iensuis, à fousquet, aux quilles, au rampeau, à la boulle plate, au pallet, à la courte boulle, à la griesche, à la recoquillette, au cassepot, au montalet, à la pyrouete, aux ionchées, au court baston, au pyrevollet, à cline musseté, au picquet, à la seguette, au chastelet, à la rengée, à la souffete, au ronflart, à la trompe, au moyne, au tenebry, à l'esbahy, à la foulle, à la navette, à fessart, au ballay, à sainct Cosme ie viens adorer, au chesne forchu, au chevau fondu, à la queue au loup, à pet en gueulle, à guillemain baille my ma lance, à la brandelle, au trezeau, à la mousche, à la migne migne beuf, au propous, à neuf mains, au chapifou, aux ponts cheuz, à colin bridé, à la grotte, au cocquantin, à collin maillard, au crapault, à la crosse, au piston, au bille boucquet, aux roynes, aux mestiers, à teste à teste bechevel, à laver la coiffe ma dame, au belusteau, à semer l'avoyne, à briffault, au molinet, à defendo, à la virevouste, à la vaculle, au laboureur, à la cheveche, aux escoublettes enraigées, à la beste morte, à monte monte l'eschelette, au pourceau mory, à cul sallé, au pigeonnet, au tiers, à la bourrée, au sault du buysson, à croyzer, à la cutte cache, à la maille bourse en cul, au nic de la bondrée, au passavant, à la figue, aux petarrades, à pillemoustard, aux allouettes, aux chinquenaudes.
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Mis en ligne en Septembre 2006